Terminaison et reflux associés

Terminaison et reflux associés

Dans le losange poplité, le tronc saphène externe s’infléchit à 4 centimètres audessus du pli poplité pour décrire une crosse concave en avant et s’aboucher à la face postérieure ou postérolatérale de la veine poplitée (figure 77).

Ce schéma classique comporte néanmoins de nombreuses variations. A ce titre, plusieurs classifications des modes de terminaison de la saphène externe ont été proposées sur la base d’arguments chirurgicaux et radiographiques.

La classification de Mercier décrit 6 types de terminaisons

I : la crosse saphène externe se place 2 à 15 centimètres au-dessus du pli poplité; cette situation est retrouvée dans la moitié des cas;

II : la crosse saphène externe se situe ici aussi 2 à 15 centimètres au-dessus du pli poplité, mais se prolonge par un tronc qui rejoint la saphène interne;

III : la crosse saphène externe dite haute se termine à la face postérieure de la cuisse, dans la veine fémorale superficielle, elle-même en communication avec la saphène interne;

Figure 77. Crosse saphène externe en position anatomique classique. Reflux associés au creux poplité.
Figure 77. Crosse saphène externe en position anatomique classique. Reflux associés au creux poplité.

Figure 78. Crosse saphène externe en position anatomique classique. Reflux associés d'origine crurale.
Figure 78. Crosse saphène externe en position anatomique classique. Reflux associés d’origine crurale.

IV : la crosse saphène externe n’existe pas, le tronc saphène externe s’abouche uniquement dans la saphène interne;

V : la crosse saphène externe en position haute se jette à la face postérieure de la cuisse dans la veine fémorale superficielle;

VI : la crosse saphène externe est complexe avec de nombreuses anastomoses intramusculaires.

Par ailleurs, l’analyse de 120 dissections a permis à Kosinsky de décrire un abouchement direct de la saphène externe dans la veine poplitée dans 57 % des cas et dans les veines jumelles dans 10 % des cas.

Sur des critères semblables, Haeger a précisé que l’abouchement de la saphène externe se situe souvent (60 % des cas) dans les 3 centimètres au-dessus du pli poplité, alors qu’il ne s’effectue au-dessous de lui que dans 8 % des cas.

En revanche, à partir de données radiographiques, May et Nissl affirment que 76 % des abouchements se placent dans les 3 centimètres qui surplombent le pli poplité. Pour ces auteurs, l’abouchement s’effectue au-dessous du pli poplité chez seulement 1,5 % des individus.

Dans un but pratique, nous proposerons une classification qui prend en compte à la fois les modes de terminaison de la saphène externe et les sources de reflux associés dont on connaît la fréquente implication dans les récidives postthérapeutiques. Parallèlement, il nous semble indispensable de décrire, et ceci indépendamment de leur situation, les crosses saphènes externes de morphologie atypique qui entravent la réalisation des crossectomies au ras de la veine poplitée.

Une telle classification s’appuie sur des critères échographiques et chirurgicaux et peut servir de base pour affiner les indications thérapeutiques:

Type I
La crosse saphène externe est en position anatomique classique (dans le losange poplité, le plus souvent à 3 ou 4 centimètres au-dessus du pli poplité)

  • sans autre source de reflux associé;
  • avec reflux associé au creux poplité par une veine perforante du creux poplité ou par une veine perforante jumelle (figure 77);
  • avec reflux associé d’origine crurale par un tronc d’origine saphène interne (veine de Giacomini) ou périnéale, par une veine perforante fessière ou fémorale profonde ou, enfin, par une écharpe de cuisse (figure 78);
  • crosse de morphologie atypique (figure 79).

Type II
La crosse saphène externe est en position haute [à plus de 5 centimètres au-dessus du pli poplité (figure 80)]

  • sans autre source de reflux associé;
  • avec reflux associé d’origine crurale par un tronc d’origine saphène interne (veine de Giacomini) ou périnéale, par une veine perforante fessière ou fémorale profonde ou par une écharpe de cuisse.

Type III
La crosse saphène externe n’existe pas (figure 81)

  • la saphène externe s’abouche directement dans le tronc saphène interne;
  • la saphène externe s’abouche dans la veine fémorale profonde à la racine de la cuisse.

Crosse saphène externe de morphologie atypique

La connaissance des variations morphologiques de la crosse saphène externe est indispensable pour poser au mieux une indication chirurgicale.

La chirurgie de la saphène externe et des reflux au creux poplité se doit en effet de répondre à plusieurs obligations :

  • suppression des seuls troncs veineux incontinents (on peut retrouver des reflux à partir de veines perforantes du creux poplité sans atteinte concomitante de la saphène externe);
  • suppression de toutes les sources de reflux (les nombreux reflux associés à la saphène externe devront être bien précisés);
  • crossectomie saphène externe au ras de la jonction saphénopoplitée.

La réalisation de ce dernier geste peut s’avérer difficile sur une crosse de morphologie atypique.

Idéalement, la saphène externe se termine à la face postérieure ou postérolatérale de la veine poplitée (figure 77). Quatre autres modes de terminaison pourront être observés :

  • après s’être infléchi, le tronc saphène externe décrit sa crosse et présente alors une dilatation de type anévrysmal, sous-aponévrotique, juste à sa jonction avec la veine poplitée (figure 79A);
  • la crosse saphène externe contourne la veine poplitée par en dedans et décrit ensuite une deuxième courbure à concavité latérale pour s’aboucher en avant d’un dédoublement de la veine poplitée (figure 79B);
  • la crosse saphène externe se termine en delta dans la veine poplitée en réalisant parfois des anastomoses avec le tronc commun des veines jumelles interne ou externe (figure 79C);
  • le tronc saphène externe s’abouche dans une veine collatérale de la veine poplitée (figure 79D).
Figure 79. Crosse saphène externe en position anatomique classique, mais de morphologie atypique.
Figure 79. Crosse saphène externe en position anatomique classique, mais de morphologie atypique.

Toutes ces situations constituent une entrave à la réalisation d’une ligature au ras de la veine poplitée. Les études phlébographiques de Garcia Marqués ont bien montré que la résection incomplète de la crosse saphène externe
pouvait se solder par une récidive sur moignon. Ces données pourraient nous convaincre de la nécessité d’une chirurgie large comportant une dissection élargie, mais aussi traumatisante et comportant un risque de cicatrice disgracieuse. Or, on a déjà pu observer des récidives à court terme au creux poplité bien qu’un geste chirurgical ait été réalisé par un chirurgien expérimenté. A l’inverse, toutes les crossectomies à distance de la veine poplitée n’entraînent pas systématiquement une récidive.

En fait, la prise en compte du seul paramètre anatomique n’est pas suffisante. Le creux poplité est une zone confluente de grande mobilité dans laquelle surviennent de fortes variations de pression. A ce titre, le paramètre hémodynamique revêt une importance capitale. Une récidive sur moignon de crosse sera donc à craindre lorsqu’elle est le siège d’une hyperpression à partir des réseaux poplité ou jumeau interne.

Ainsi, les décisions thérapeutiques devront s’appuyer sur l’association des critères anatomiques et hémodynamiques en plus de l’évaluation du terrain, des facteurs de risque et de l’état cutané. C’est à ce prix qu’on obtiendra le meilleur compromis entre l’efficacité et l’esthétique.

Une autre difficulté opératoire est représentée par les crosses saphènes externes hautes (Figure 80). Situées au-dessus du losange poplité, elles sont fréquemment profondes et nécessitent généralement une incision large au devenir d’autant plus souvent disgracieux qu’elle est réalisée en dehors du pli cutané.

Figure 80. Crosse saphène externe haute. Reflux d'origine crurale.
Figure 80. Crosse saphène externe haute. Reflux d’origine crurale.

La jonction saphénofémorale est souvent repérée de façon décalée par l’échographie et le Doppler. Elle apparaît ainsi au-dessus de l’abouchement réel de la crosse. En effet, le repérage est réalisé en position debout. La crosse subit alors les effets de la traction qu’exerce l’aponévrose des muscles ischiojambiers et s’élève ainsi légèrement. Cette traction disparaît en décubitus ventral.

Les reflux associés aux saphènes externes hautes peuvent provenir :

  • de la saphène interne par l’intermédiaire d’une veine communicante de Giacomini. Il est intéressant de noter qu’en cas d’obstacle postural ou post-thrombotique à la vidange de la veine poplitée, un reflux ascendant peut s’installer lors de la contraction musculaire, à partir de la crosse saphène externe vers la veine de Giacomini et le réseau saphène interne. Cette situation peut conduire à des éveinages saphènes internes inappropriés, la source de reflux se situant au creux poplité;
  • d’un réseau veineux périnéal;
  • d’une veine perforante fessière ou fémorale profonde au trajet ascendant et intramusculaire;
  • d’une écharpe de cuisse, branche antérieure de la saphène interne.

Dans 15 à 20 % des cas, la crosse saphène externe est inexistante (figure 81). Le tronc saphène externe se prolonge à la face postérieure de la cuisse. Il s’infléchit ensuite en dedans pour rejoindre le tronc saphène interne, ou encore, plonge vers la veine fémorale profonde. Dans ce dernier cas, le trajet intramusculaire de la saphène externe empêchera une chirurgie complète. Néanmoins, une solution peut être apportée en introduisant, au pli poplité, un cathéter ou un endoscope que l’on fera progresser vers la racine de la cuisse.

Figure 81. Absence de crosse saphène externe.
Figure 81. Absence de crosse saphène externe.

Pour en savoir plus

Daniel C. Le syndrome des veines jumelles. Actualité Vasculaire Internationale, 1992; 6 : 16-22.

Gillot C. La perforante polaire inférieure du muscle jumeau interne. Phlébologie, Édition Médicale Média Internationale, Congrès de Bruxelles, vol 1, 1983.

Thierry L. Physiology of the muscular veins. Phlébologie, Éditions John Libbey Eurotext, Montréal 1992.

Van der Stricht J. Staelens I. Les veines musculaires du mollet. Phlébologie 1994; 47, 2: 135-43.